Comme de nombreuses forêts françaises la forêt de Chantilly souffre du changement climatique qui fragilise les milliers d’arbres, chênes, pins alpestres, hêtres et tilleuls présents sur ce domaine légué en 1897 par le Duc d’Aumale à l’Institut de France pour «qu’il soit conservé à la France dans son intégrité, avec ses bois, ses pelouses, ses eaux, ses édifices et ce qu’ils contiennent». Une tâche rendue difficile aujourd’hui par le dépérissement de nombreuses espèces notamment les chênes (48 %) les plus touchés et l’attaque massive de hannetons dévoreurs de racines à l’œuvre au sein de ce massif de 6 344 hectares compris entre la forêt de Chantilly, le sud de l’Oise et le nord du Val-d’Oise. Soucieux de rester fidèle à la mission confiée par leur illustre bienfaiteur, un comité «Ensemble sauvons la forêt de Chantilly» a été créé avec pour objectif la sauver d’une mort inéluctable d’ici cinquante ans comme l’a souligné avec force le Général Jérôme Millet, administrateur du Domaine de Chantilly, lors d’un colloque organisé à Gouvieux le 10 octobre dernier. Une réflexion collective qui associe entre autres propriétaire, gestionnaires, forestiers, pouvoirs publics locaux, écologues, historiens, microbiologistes, experts forestiers, climatologues, chasseurs, associations de défense de l’environnement et bénévoles riverains, instituts de recherche et développement unis sur le même constat. «Si aujourd’hui nous ne faisons rien le château sera d’ici 50 ans entouré d’une lande broussailleuse et d’arbres morts » a averti le Général Millet commentant le bilan du plan d’aménagement de 2005 à 2020.
Un état des lieux et des pistes d’investigations
Il y a donc urgence à agir face aux dégâts créés par une température en hausse de 1,5°C depuis 1990. Une prise de conscience qui arrive à point nommé au moment de l’échéance en 2020 du dernier plan de gestion de la forêt de Chantilly et qui a permis de faire ressortir plusieurs pistes d’investigation.La première étant de rechercher les moyens de lutter contre le hanneton forestier dévastateur, sans prédateur chimique ou naturel à ce jour depuis l’interdiction des produits chimiques employés dans le passé pour le combattre. Ensuite de tenter de contenir la multiplication rapide des grands cervidés ainsi que celle des sangliers, qui en se regroupant à certaines périodes, provoquent des dégâts au sein de la forêt et dans les champs alentour ravageant les peuplements de jeunes arbres destinés à la production de bois d’œuvre. Une richesse qui joue un rôle économique essentiel au niveau local et qui de surcroît conforte la place primordiale de la forêt dans le patrimoine culturel et naturel, dans la capture de CO2 et le maintien de la biodiversité.
Faire une photographie des écosystèmes forestiers
Plusieurs opérations sont en cours menées par l’ONF associé à des bénévoles pour créer une immense base de données s’appuyant sur le référencement d’essences et végétaux récoltés dans la forêt destinée à tirer des enseignements précieux pour constituer une forêt durable. Dans le même but, des fosses ont été creusées pour étudier la façon dont les racines des arbres luttent contre le manque d’eau et le réchauffement climatique. La génétique des arbres les plus résistants est également à l’étude pour favoriser leur implantation à long terme ou leur remplacement par d’autres variétés plus adaptées au changement climatique. Des actions qui devraient en appeler d’autres au fur et à mesure des résultats concrets obtenus sur le terrain, avec l’objectif de favoriser à long terme l’émergence d’une forêt différente installée dans la durée, une forêt de Chantilly vivante selon les souhaits des participants au colloque. Et au-delà servir de laboratoire à ciel ouvert à l’ensemble des arbres de France soumis au même défi qu’elle.