Marine Bleue 1922
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Léon Spilliaert… et la mer du Nord réunis à l’Hermitage de Lausanne

Marine Bleue 1922

Léon Spilliaert
Marine bleue, 1922
Gouache et gouache avec caséine sur papier, 370 × 492 mm
Galerie Seghers, Ostende
Photo Steven Decroos, Ostende

Pour la première fois en Suisse, une centaine d’œuvres de l’un des plus importants artistes belges du début du XXe siècle sont présentées au public dont certaines inédites.

Le point d’orgue est ici la mer de la côte flamande que Léon Spilliaert connaît bien pour l’avoir côtoyée dès sa naissance à Ostende, sa ville natale. Il vivra avec elle en symbiose sa vie durant, s’imprégnera de ses couleurs changeantes, de l’activité portuaire qu’il croquera au hasard de ses promenades balnéaires sur les digues, observant le petit peuple de pêcheurs travaillant dur, les femmes en attente du retour des chalutiers. Il en percevra aussi la dureté qu’il suggérera dans plusieurs de ses œuvres dont«Le Naufragé» en 1926. Il la vivra intensément dans la diversité de ses humeurs mais toujours entourée d’un halo mystérieux, d’une mélancolie qui donneront à son œuvre cette étrangeté si particulière. Très jeune il la représentera sous forme de dessins. Tour à tour il utilisera différents outils, en 1920, l’encre de Chine, l’aquarelle et le pastel puis la gouache notamment dans la création de marines flamboyantes, la peinture à l’huile pour esquisser les barques vides livrées au flot, chalutier spectral pêchant à l’aube, naufragé à la dérive, plage et mer teintées reflétant l’angoisse. En 1922, il produira plus de 25 œuvres, où cet élément est très présent jusqu’à la fin des années 1930, où il s’éloignera de la mer sans toutefois jamais vraiment la quitter pour dessiner la plage, son étendue et les dunes.

Une identification très forte avec les arbres

Léon Spilliaert
Autoportrait aux masques, août 1903
Crayon graphite, lavis d’encre de Chine, pinceau, plume et crayon de couleur sur papier, 273 × 272 mm
Paris, musée d’Orsay
Photo RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Stéphane Maréchalle

Dans les années 1930 et 1940 l’artiste revient sur un sujet de jeunesse, les arbres, à l’occasion de longues promenades en forêt, au parc Léopold d’Ostende, au bois de la Cambre ou au Wolvendael de Bruxelles. Très tôt, il va s’identifier aux arbres, qu’il représentera jusqu’à la fin de sa vie. «Il les dessinera à la verticale en opposition avec l’horizontalité de la mer et du ciel. Il mettra en évidence leurs particularités, l’asocial, le fragile, l’ancien, le fou, autant d’ombres chinoises sur un écran, silhouettes fantomatiques qui se dessinent sur un ciel crépusculaire ou dans un pays de neige. Chez lui, l’arbre n’est pas un prétexte, un décor, un passant, il l’aime comme sujet entier et indépendant», explique Noémie Goldman dans le magnifique catalogue consacré à l’exposition. «Les arbres chez Léon Spilliaert créent un pont intéressant entre deux thématiques qui lui sont chères et complémentaires, les figures humaines à l’extérieur et les objets inertes intérieurs», poursuit-elle. Il alternera les œuvres tournées vers l’extérieur, à savoir l’immensité de la ville d’Ostende, avec la vie de famille et ses espaces intérieurs, son intimité, sa solitude confinée. En 1909, il s’intéressera à la représentation des objets inanimés situés dans son univers privé avec une série de flacons de tailles différentes, gris, colorés. Les représentations humaines culmineront dans des autoportraits dans lesquels l’artiste témoigne d’ un intérêt pour la rencontre avec sa propre image et une curiosité de soi et son besoin d’introspection. «Dans une série d’autoportraits réalisés entre 1907 et 1908, Spilliaert traduit plus objectivement la quête de réussite et le risque d’échec qui sont au cœur du destin de l’artiste», explique en substance Anne Adriaens-Pannier, commissaire scientifique de l’exposition et auteure du catalogue raisonné de l’artiste.

Spilliaert à la recherche de soi

Autodidacte nourri de ses lectures, il s’inspirera notamment de Maurice Maeterlinck, Emile Verhaeren, Arthur Schopenhauer, Friedrich Nietzsche et sera marqué par les œuvres de James Ensor, d’Edvard Munch, d’Odilon Redon, des Nabis ou encore de Fernand Khnopff. Persuadé de son destin d’artiste élu, Léon Spilliaert laissera à sa mort en 1946 une œuvre d’une profonde originalité, baignée d’interrogations métaphysiques et de culture flamande, réalisée presque exclusivement sur papier. Mélangeant les techniques graphiques, il aura tissé des liens avec le symbolisme et l’expressionnisme contemporains, laissant entrevoir dans certaines de ses œuvres simplifiées à l’extrême l’abstraction et le minimalisme.

Organisée de manière thématique et chronologique, l’exposition réunit une centaine d’œuvres  couvrant toute la carrière de l’artiste, dont certaines jamais exposées. Encres, solitude existentielle/Ostende, la profondeur de la nuit et de l’espace/la mer, miroir d’un état d’âme, femmes de pêcheurs et baigneuses, sur les rives du réel, intérieurs insolites, natures mortes, l’étrange inanimé, le lord humeur changeante, le charme discret de l’illustration, autoportrait, le regard, l’inquiétude, les arbres, les premiers contemplatifs, la mer du Nord humeur changeante, le dirigeable Belgique II , une aventure partagée offrent au visiteur de belles découvertes. Et même si quelques tableaux de Léon Spilliaert ont déjà été présentés dans ce musée en 2007 et 2019, cette exposition monographique est une première en Suisse depuis plus de 20 ans, expliquent Sylvie Wuhrmann, directrice de la Fondation de l’Hermitage et Aurélie Couvreur, conservatrice de cette même fondation dans la préface du catalogue richement illustré, placé sous la direction d’Anne Adriaens-Pannier, par ailleurs conservatrice honoraire aux musées royaux des Beaux-Arts de Belgique .

Acteur majeur de la scène muséale en Suisse romande, la Fondation de l’Hermitage a accueilli de nombreuses expositions (Trésors de la Fondation des Treilles, Arp, Brauner, Ernst, Picasso,Takis, Achille Laugé) témoignant d’un éclectisme qui participe de son originalité. La prochaine exposition «Edouard Vuillard et l’art du Japon » qui se déroulera du 23 juin au 29 octobre 2023 présentera une centaine de peintures et de gravures de l’artiste réalisées entre 1890 et la Première Guerre mondiale .

www.fondation-hermitage.ch

Exposition «Léon Spilliaert. Avec la mer du Nord…», du 23 janvier au 29 mai 2023.

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