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Les Suisses viennent de voter à près de 80% pour inscrire la sécurité alimentaire dans leur constitution. Un signal fort envers leur agriculture nationale. Une première dans le monde

Le 24 septembre dernier jour de la « votation » sur l’ancrage de la sécurité alimentaire dans la constitution helvète, 30 journalistes de pays différents étaient invités à rencontrer sur le terrain agriculteurs et producteurs suisses de la région d’Entlebuch près de Lucerne. Au menu : sécurité alimentaire, libre-échange et durabilité.

La descente des alpages vers Schüpfheim

Le lieu avait été bien choisi : l’Entlebuch région particulièrement préservée de Suisse Centrale est située au cœur de la première Biosphère de Suisse classée en 2001 sur la liste de l’Unesco. Connue pour ses  étonnants paysages karstiques comme ceux des falaises de la Schrattenfluh, elle est particulièrement réputée pour ses 1 376 hectares de marais (27% des zones humides de Suisse), ses pâtures et ses forêts (Laubersmad-Salwidili) considérées par la convention de Ramsar de 2005 comme une zone humide d’intérêt international pour la faune et la qualité de la biodiversité présente. Mais outre ses paysages naturels exceptionnels et sa nature intacte la Biospère de l’Entlebuch abrite aussi en son sein de l’artisanat, du tourisme, de l’industrie venus au cours des ans relayer et compléter les ressources traditionnelles de l’élevage.

Un Label lié à la production en Biosphère

Une région où depuis longtemps les habitants se sont engagés dans un modèle régional de développement durable, en renforçant leur identité, en encourageant le tourisme doux et en favorisant les produits locaux de qualité. Ainsi le « Label Entlebuch » inscrit sur un produit certifie que celui-ci est réalisé avec au moins ¾ de sa matière première originaire de la région.  Sur le terrain l’alpage de Schüpfheim compte de nombreuses fermes productrices de lait et de produits vendus sous ce label dans les hôtels, restaurants, magasins de proximité ou marchés des villages alentour. Ainsi surplombant Flühli, Franz et Martha Schmid-Studer s’occupent sur les 85 hectares d’alpage de leur ferme de l’Alp Aeschi de 30 vaches laitières, un taureau et 40 jeunes bovins. L’été le lait est destiné à la fromagerie « Entlebucher Spezialitäten Käserei « à Klusen, coopérative de 14 personnes  fondée en 1906 qui reçoit le lait sans silo produit par 28 producteurs des alentours d’Entlebuch. Elle fabrique du fromage « maison », des spécialités laitières mais aussi du « Sbrinz AOC ». Contribution à la Charte durable : « tous ses bâtiments sont chauffés par un poêle à bois composé de copeaux de bois de la région et la consommation d’énergie pour l’usine entière est du dioxyde de carbone neutre » explique Ivo Fürer son responsable.Le Sbrinz AOC est le plus ancien fromage à pâte dure pressée cuite de Suisse produit en Suisse Centrale dans quatre cantons, Lucerne, Schwyz, Unterwald, Zoug, du district de Muri (Argovie) et de quelques communes du canton de Berne. 32 fromageries dont une dizaine d’alpage transforment le lait exclusivement de vache race brune des alpes. Elles sont nourries d’herbe durant l’été et de foin l’hiver, selon un cahier des charges extrêmement rigoureux interdisant notamment tout recours aux additifs ou aux organismes génétiquement modifiés.

La famille Theiler-Steger sur l’alpage Abnistetten (Hasle)

Sur l’Alpage Äbnistetten Reto et Sili Theiler-Steger a repris en 2011 la vieille structure de 260 ans et créé une fromagerie avec boutique intégrée. Chaque jour quelque 650 litres de lait collectés sur l’alpage auprès de leurs 36 vaches laitières sont transformés en fromage, beurre et crème vendues aux unités de transformation de la région ou aux distributeurs locaux.

A Hasle sur l’alpage Ziegenhof Wigger, Beat Wigger, accompagné de son épouse Rita et de leurs quatre fils font paître sur 20 hectares 100 chèvres de différentes races vivent à la ferme. ne partie du lait est transformé en crème glacée vendue ensuite aux magasins des villages alentour comme Lidl. Les propriétaires travaillent à temps partiel en dehors de leur ferme.

Emscha, produit plus d’énergie solaire voltaïque que n’en exige la ferme pour fonctionner.

Les brebis Lacaune d’Emscha

La société Emscha d’Entlebuch de son côté est spécialisée dans les produits frais de lait de brebis Lacaune destinés notamment au groupe Migros de Suisse Centrale, à la Coop de Lucerne et aux distributeurs Bio de la région (Bio Suisse) son engagement dans le développement durable est plus qu’une devise : Elle est la première exploitation suisse à fonctionner sans consommer de l’énergie autre que solaire. En effet, depuis 2012 les capteurs photovoltaïques installés sur le toit produisent avec 80000 kWh d’électricité solaire annuelle davantage d’énergie que n’en requiert la ferme toute entière. Une stratégie gagnante qui a permis à la ferme en croissance continue depuis son lancement d’investir cette année quatre millions de francs suisses dans une nouvelle fromagerie. Enfin dans ce défi lancé à l’agriculture de produire durable dans une économie mondialisée, les industriels de l’alimentaire ne sont pas en reste. Eux aussi intègrent cette dimension sécurité et durabilité maximum dans leur process de production comme Emmi fabricant de milliers de produits frais, de maturation, fromages, et yaourts qui doivent être réfrigérés ou congelés à des périodes différentes impliquant un management complexe  de l’ensemble des unités de production comme celui en vigueur dans les grottes à fromage de son unité de production de Kaltbach.

La grotte froide à fromages Kaltbach / Emmi Photo by: THOMI STUDHALTER / EMMI

Les Suisses veulent davantage de sécurité dans leurs assiettes, et une meilleure utilisation des ressources  de leur agriculture locale. Ils l’ont dit très clairement le 24 septembre dernier en plébiscitant par près de 80% des voix l’initiative sur la sécurité alimentaire. « Le peuple suisse soutient fortement son agriculture de proximité et veut garder en partie la main sur le contenu de son assiette » a expliqué Jacques  Bourgeois directeur de l’Union Suisse des Paysans (USP) à l’origine de cette initiative populaire. Ce qui ne signifie pas fermer la porte à l’importation. Acheter à l’étranger oui mais des produits équitables, payés au juste prix aux producteurs en connaissant les conditions de production et la provenance des dits produits. Priorité donc à la transparence et au développement durable de l’Agriculture. Avec à la clé un défi de taille : prendre davantage soin du Patrimoine Terre pour nourrir d’ici à 2050 quelque 9,7 milliards d’habitants.

http://myswitzerland.com/en-ch/unesco-biosphere-entlebuch.html
www.schuepfheim.ch

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