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L’art de la construction en pierre sèche inscrite au patrimoine immatériel culturel de l’Unesco

Forcalquier chemin de la citadelle

Forcalquier chemin de la citadelle

Bâtir en pierres sèches nécessite un savoir-faire et des techniques anciennes transmises de génération en génération qui consiste à empiler les pierres les unes sur les autres, selon un placement particulier sans utiliser aucun autre matériau. Présentes surtout dans les zones rurales sans être toutefois absentes des zones urbaines, les constructions en pierre sèche ont contribué dans le monde entier à façonner des paysages multiples et variés favorisant l’émergence de différents types d’habitats, d’agriculture et d’élevage.

La Route de la Pierre sèche traverse Vaucluse et Alpes-de-Haute Provence

Ainsi dans les Alpes-de-Haute-Provence, pays de Giono, qui les a souvent évoquées dans ses écrits, les constructions en pierre sèche notamment les cabanons pointus sont les témoins d’une architecture simple, d’un habitat pauvre, précaire, éphémère et pastoral. Du Ventoux à la montagne de Lure, des Monts du Vaucluse au Lubéron, La Provence concentre un patrimoine considérable de constructions en pierre sèche : terrasses de cultures, cabanes de bergers ou bories, aiguiers (creusées dans la roche pour recueillir l’eau de pluies rare dans ces régions), bergeries comme sur le plateau du Contadour, habitats troglodytes, soutènements des champs et des chemins, murs de clôture, fours. Parmi maints exemples, l’un des plus spectaculaires est sans doute la Muraille de la peste édifiée au début du XVIIIe siècle dans le Vaucluse pour protéger les populations de la grande peste de Marseille de 1720 responsable de plus de 20% de morts dans le seul Comtat Venaissin.

borie pays de Forcalquier

borie pays de Forcalquier

Ses 27 km des guérites en pierres sèches abritaient des sentinelles censées empêcher l’épidémie de se propager. En 1973, une fois le danger écarté, le mur fut abandonné. Depuis 1986, l’association « Pierre sèche en Vaucluse » s’investit dans le réaménagement et la restauration de cette architecture. Elle a participé conjointement avec l’APARE « Association pour la participation de l’action régionale » à l’ouverture d’un sentier historique traversant les monts du Vaucluse. Vingt-cinq circuits destinés à faire revivre ces architectures de mémoire ont été créés s’inscrivant dans ce que l’on appelle « la Route de la Pierre sèche » qui traverse Vaucluse et Alpes de Haute-Provence. Certains tracés sont nés d’une coopération transfrontalière comme ceux reliant les extraordinaires bergeries de Lure dans les Alpes de Haute-Provence aux habitats troglodytes de Balma Boves dans la vallée du Pô et aux vallées les plus reculées du Piémont italien dans la province de Cunéo. 14 balades ont été tracées sous l’égide et avec l’aide conjointe du programme européen Alcotra et du Département des Alpes de Haute-Provence et AURIATE dans la province de Cunéo (Italie région Piémont). Citons également le travail de recherche réalisé depuis 1953 sur ce thème dans les Alpes-de-Haute-Provence par Pierre Martel, fondateur de l’association « Alpes de Lumière » basée à Forcalquier, qui constitue aujourd’hui un témoignage précieux sur ces pierres ramassées dans les champs sur lesquelles beaucoup de choses restent à apprendre.

Un art paysan aux formes variées présent dans le monde entier

En effet, si le label associe aujourd’hui huit pays, France, Chypre, Croatie, Espagne, Grèce, Italie, Suisse et Slovénie, d’autres pourraient bien les rejoindre à terme tant la présence de constructions en pierres sèches est répandue dans le monde. En Suisse en épierrant les pâturages, les montagnards ont façonné les alpages les délimitant entre eux. Dans les vignobles du Valais ou du Lavaux, la pierre sèche a permis de constituer des murs de vigne maintenant la terre, créant par là même un paysage viticole typique. Dans ce pays, le Fonds suisse pour le paysage participe au financement de leur entretien. Dans le même sens,dans le Jura suisse cette fois, les murs en pierre sèche ont contribué à la préservation de la qualité du paysage en structurant l’espace rural. Ils sont devenus un élément essentiel du patrimoine de cette région dont la préservation fait l’objet d’un projet des Cantons de architectures l’Office fédéral de l’agriculture. En Italie dans les Pouilles, « les Trulli » sont de spectaculaires maisons dotées d’une voûte conique. En Ligurie, sur le territoire des Cinq Terre inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, les pierres sèches servent à maintenir les pentes abruptes incrustées de vignobles en terrasse surplombant la mer. Au Portugal autre pays de vignoble, les murs en pierre sèche n’ont pas seulement contribué à façonner un paysage particulier connu aujourd’hui du monde entier, ils ont aussi permis de lutter contre l’érosion et participent à l’optimisation de la gestion de l’eau. Ils font l’objet d’un programme de protection européen intitulé « Terrasses en pierre sèche et prévention des risques » (Terrisc) destiné à sensibiliser les agriculteurs sur cette technique architecturale un peu délaissée et en voie de détérioration au profit d’autres moins adaptées aux pluies fréquentes (vallée du Douro). Au cœur du Lake district National Park dans la vallée de Longdale au nord-ouest de l’Angleterre, la pierre sèche très présente a été transformée en ponts, bergeries et clôtures pour les champs. Les agriculteurs perçoivent des subventions d’Etat pour la restauration des murs à condition de recourir aux services d’entreprises labellisées DSWA (Dry Stone Walling Association) regroupant professionnels et défenseurs de la pierre sèche d’Ecosse, du Pays de Galles et de l’Angleterre. En Suède dans l’île de Gotland, au cœur de la mer Baltique, où les enclos granitiques et calcaires maillent le paysage, la pierre sèche est également utilisée pour renforcer les fondations en bois des maisons en contact avec l’humidité. Dans cette région des formations spécifiques sont délivrées aux agriculteurs pour entretenir ce petit patrimoine architectural un peu délaissé mais que l’on redécouvre. Dans de nombreux pays la conservation et la mise en valeur de ces ouvrages témoins de « l’Art paysan » sont devenues une préoccupation majeure des pouvoirs publics comme des associations qui s’y investissent de plus en plus. Pas seulement pour leur participation à la conservation des paysages auxquels ils sont intimement liés mais aussi pour la préservation de la biodiversité qu’ils abritent. Mais pour s’inscrire dans le temps, les paysages façonnés par les pierres sèches ne peuvent plus aujourd’hui reposer sur la seule gestion agricole de territoires. Ils devront de plus en plus être associés à d’autres formes de mise en valeur, économiques et touristiques par exemple.

Pierre sèche. /Le bec en l’air. Photographie : François-Xavier Emery

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Société scientifique internationale pour l’étude pluridisciplinaire de la pierre sèche (S.P.S)

Guide franco-italien des chemins de la pierre sèche (Auriate/APARE/ALCOTRA)
Cabanes en pierre sèche en France C.Lassure et D. Teperant. /Edisud 2004
25 balades sur les chemins de la pierre sèche F. Dominique. /Le bec en l’air 2009
La pierre sèche en Haute-Provence P.Coste/P.Martel. /Alpes de Lumière n°89/90 Pierre Sèche. /Le bec en l’air ( www.becair.com )
www.pierreseche-international.org

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