Des Cévennes au Mont Lozère le renouveau des Hautes Vallées Cévenoles

S’enfoncer au cœur des Hautes Vallées Cévenoles c’est aller à la rencontre d’un territoire protégé et vivant, en phase avec la préservation de la biodiversité, le besoin de nature, la durabilité, l’attente de produits agricoles et agroalimentaires de proximité. Des thèmes que le Syndicat des Hautes Vallées Cévenoles dans le Parc national des Cévennes (SHVC), animateur de la réserve de biosphère, met en pratique quotidiennement dans le cadre du programme Man and Biosphere (MAB) de l’Unesco et de celui des 17 objectifs de développement durable adoptés par l’ONU. En proposant aux acteurs locaux (maires, agriculteurs, propriétaires) son expertise en ingénierie territoriale dans la gestion de la biodiversité, en animant des filières agricoles, en guidant la transition énergétique du massif forestier (90% du territoire des Hautes Vallées Cévenoles) fragilisé par les dérèglements liés au changement climatique en cours. Une démarche expérimentale engagée en 1992 dans la vallée du Galeizon d’abord, puis poursuivie dans les vallées voisines (Vallée longue, Haute Vallée Française, Luech, Homol, Haute Cèze, Haut Auzonnet) sur les départements du Gard et de la Lozère, par Yannick Louche maire de la commune de Cendras et président du Syndicat mixte d’aménagement de la Vallée du Galeizon. «Une démarche globale et participative précise-t-il aujourd’hui destinée à protéger l’environnement tout en redynamisant le tissu économique local et en maintenant la présence de l’homme sur le territoire». 

Valoriser les patrimoines existants pour créer des filières créatives d’emplois

Ce travail de terrain étalé sur plusieurs années porte aujourd’hui ses fruits dans plusieurs domaines. Par exemple, les abords de la rivière de Galeizon, où l’écologie et la biodiversité ont été préservées, sont devenus un lieu de développement de plusieurs projets et activités récompensés par des labels. De nouveaux agriculteurs (polyculture, élevage ou maraîchage) s’y sont installés poursuivant en cela une tradition ancienne. Ils ont favorisé le développement de filières et l’émergence à de Saint-Julien-des-Points d’un pôle regroupant quatre activités nouvelles, ateliers découpe-transformation de viande, abattage de volailles, brasserie artisanale et produits issus de la châtaigne de la Vallée Française. Un abattoir mobile pour les petits ruminants est également envisagé par un groupe d’éleveurs locaux pour limiter les trajets et le stress des animaux. De leur côté, des éleveurs et élus de la communauté de communes des Hauts-Gardons ont engagé une réflexion sur les potentialités de l’utilisation des plantes pour soigner les troupeaux. A plus long terme, l’idée est de créer un GIEE (groupement d’intérêt économique et environnemental) «plantes et troupeaux» susceptible de développer en Cévennes la filière PPAM (plantes à parfum, aromatiques et médicinales) un secteur en pointe.

Biosphera maison de la réserve de biosphère des Cévennes

Epicentre d’initiatives diverses, le centre d’interprétation des vallées cévenoles situé à Cendras près d’Alès et géré par le Syndicat des Hautes Vallées Cévenoles sensibilise le public par des animations ouvertes sur l’écosystème du territoire, telles l’adaptation de la forêt au changement climatique à Saint Germain-de-Calberte, la gestion du risque lié au feu, avec visites des pistes de défense contre ce dernier aménagées en forêt sur le chemin de Stevenson, qui traverse les Cévennes, des sorties botaniques à la découverte des pollinisateurs comme les abeilles ou de la flore en partenariat avec des associations locales. La protection des espèces a grandement bénéficié à l’Azuré du Serpolet, un papillon très vulnérable et protégé en Europe, qui depuis sa découverte en 2011 dans les Hautes Vallées Cévenoles, fait l’objet d’inventaires conjoints de la part du Syndicat mixte de la vallée du Galeizon et du conseil départemental du Gard pour mieux le préserver. Dans le même sens, en 2020 et 2021, deux appels à projets «Plantons des haies méllifères»ont été lancés à destination des agriculteurs pour faire du Parc national des Cévennes un territoire pilote d’accueil privilégié de pollinisateurs.

A Branoux et Castenet, deux dossiers sélectionnés visent à augmenter les ressources en nectar et en pollen, dont la raréfaction conséquente aux sécheresses récurrentes met en danger les populations d’abeilles, de papillons et de syrphes, sans lesquels 80 % des plantes à fleurs pourraient disparaître. Au Castanet, des haies bornent désormais une châtaigneraie classée bio. Sources de nourritures pour les abeilles, elles constituent aussi une réserve alimentaire pour les oiseaux et petits mammifères.Toute personne peut participer via l’Observatoire scientifique du territoire, créé par le SHVC, à l’amélioration des connaissances naturalistes sur les Vallées Cévenoles. Tout propriétaire peut également s’engager pour la biodiversité dans le cadre des contrats Natura 2000. Ainsi pour inverser la tendance à l’abandon de prairies fleuries naturelles qui constituent un enjeu majeur pour les Cévennes, un concours a permis en 2019 de sélectionner sur la commune d’Aujac un projet d’évaluation de la conservation des milieux prairiaux. Les propriétaires bénéficieront d’une aide à la gestion de leurs parcelles.

Le patrimoine forestier cévenole enjeu majeur de la transition écologique énergétique

Les responsables du Syndicat en sont persuadés : le patrimoine forestier des Cévennes constitue, comme l’agriculture, un levier et un enjeu majeur dans le projet écologique et énergétique du territoire. La résilience au changement climatique passe ici aussi par la sauvegarde de la biodiversité et des écosystèmes d’où l’importance d’entretenir et d’adapter la forêt à cette nouvelle donne. Une façon de valoriser ces zones boisées capables d’assurer des activités économiques locales, d’offrir des services nouveaux aux populations alentour indispensables à leur maintien sur le territoire. «Une forêt gérée de façon durable et raisonnée, rentable de surcroît participe pleinement au renouveau économique du territoire en favorisant l’émergence d’une petite agro-industrie issue de l’agriculture ou l’agropastoralisme local», explique Yannick Louche président du SHVC. Ainsi la châtaigne, première source d’alimentation des habitants de la région pendant des siècles et élément fondateur de l’identité cévenole en déclin après un essor important au XVIe siècle, est en train de renaître. Sur le territoire rural mais aussi dans de grandes parties de la forêt réhabilitées à l’aide de nouvelles variétés.

Depuis 2004, l’association «Châtaignes et marrons des Cévennes et du Haut-Languedoc» s’est engagée dans une démarche de création de la marque «Châtaigne des Cévennes» dans le but d’obtenir l’Appellation d’origine protégée (AOP) pour les produits issus du terroir cévenol. 208 communes du Gard, de la Lozère, de l’Hérault,de l’Aveyron et du Tarn et 80 exploitants s’occupent aujourd’hui de cette production en quasi disparition il y a peu. Dans le domaine de la pomme, l’association «100% Cévennes» créée en 2018 œuvre au renouvellement des plantations de vergers comme à l’Espinas, en organisant des ateliers de greffage et des formations participant au renouveau de ce secteur. Autant d’initiatives qui en mobilisant habitants, agriculteurs, résidents concourent à la vitalité et au renouveau de cette partie des Cévennes.

Maison Rouge – Musée des vallées cévenoles et le jardin ethnobotanique imaginé par Alain Renaux

Terre de mémoire, les Cévennes abritent un patrimoine bâti agricole tels les terrasses de culture et les murets en pierres sèches, objets de programmes de restauration et dont l’histoire est relatée dans de passionnants musées comme celui des vallées cévenoles – Maison Rouge. Cette ancienne filature rénovée située à Saint-Jean-du-Gard abrite une incroyable collection de 10 000 objets dédiés à la culture, aux traditions cévenoles et à ses savoirs-faire rassemblée par Daniel Travier héritier de son grand-père, Raoul, agriculteur-matelassier-conteur qui lui a transmis la passion de sa terre natale.Toutes les Cévennes sont réunies ici en un musée dont l’objectif premier est selon son créateur de valoriser le patrimoine matériel et immatériel de la région.

A l’arrière du musée un jardin ethnobotanique et son parc arboré complémentaires des collections muséales abrite des variétés végétales comestibles et médicinales autrefois utilisées quotidiennement en Cévennes. Présents également dans le parc une vingtaine d’arbres dont certains étaient utilisés en ébénisterie et menuiserie (noyer, bouleau, aubépine, hêtre, merisier ou encore osier, châtaignier, frêne, orme, etc.) ou pour la réalisation des manches de petits outillages destinés à la récolte des châtaignes et à la création d’objets domestiques. Alain Renaux, ethnobotaniste reconnu et créateur de ce jardin, a rassemblé ici 200 espèces de plantes au sein des aménagements extérieurs du musée, partie intégrante du projet scientifique et culturel de Maison Rouge – Musée des vallées cévenoles.

www.biosphera-cevennes.fr/le-territoire
www.cevennes-montlozere.com
www.cevennes-parcnational.fr
www.chataigne-cevennes.fr 

www.sitesd’exception.fr
www.maisonrouge-musee.fr
www.leserredelacan.com
www.chemin-stevenson.org
www.cevennes-gorges-du-tarn.com/Sentier des Rocs de Galta/St-Germain-de-Calberte
www.jne-asso.org

Lire

• Les Cévennes, rêve planétaire/Clés Albin Michel /Marie-Joséphine Grojean
• Le Savoir en herbe/Nouvelles Presses du Languedoc /Alain Renaux
• Les Réserves de biosphère/Gallimard Jeunesse
• Sur le Chemin de Stevenson/Larousse/Thierry Soulard
• En Hautes Vallées Cévenoles/réalisation collective sur 30 ans d’actions engagées ou soutenues localement /SHVC/Editions du Galeizon/Biosphera