La Maison Jean Rouch restaurée par les Femmes bâtisseuses d’Ayorou Goungou au Niger n’est pas seulement un hommage rendu au grand ethnologue, c’est aussi un exemplaire travail de mémoire sur l’architecture en terre des pays africains.
Ethnologue, cinéaste, écrivain, ingénieur, Jean Rouch a longtemps vécu au Niger où il s’était fait construire une maison en terre à Ayorou, sur l’une des nombreuses îles du fleuve Niger où vivaient et vivent encore les Sorkos et les Songhaïs spécialistes de la pêche et de la chasse à l’arc. Pour rendre hommage à sa mémoire, les habitants de cette région ont entrepris de réparer sa maison en terre abîmée par le temps. Aidées par l’architecte DPLG-expert en conservation du patrimoine et développement durable, Amélie Esséssé, les femmes ont fait revivre ce lieu en s’appuyant sur la tradition orale en vigueur dans ces régions africaines. Ces « femmes bâtisseuses » architectes rurales et urbaines participent depuis toujours ici à la création, la construction, la gestion, la transmission et la conservation de leur habitat. Par là même, elles jouent un rôle important dans la valorisation du patrimoine. Comme c’est la coutume, elles ont tiré à la main la terre du lit du fleuve Niger en faisant une chaîne humaine. Mélangée avec la terre sèche du sol et de la bouse de vache, cette boue a ensuite été projetée contre le mur et lissée pour être recouverte d’enduits à base de kaolin, bouillie de blé, de cendre et jus de feuilles gluantes qu’elles ont décoré avec des motifs géométriques en formes d’animaux et de personnages et des frises bleues, vertes et bordeaux à base de pigments naturels.
Cette maison baptisée « Muse Ruge Fuw » en langue Zarma ou « maison blanche » en français qui deviendra en 2013 une salle de classe pour les élèves de l’île, n’est pas seulement un bel exemple de réhabilitation du patrimoine architectural en terre. Elle est aussi un témoin de la vie de la population vivant sur les îles et la rive du fleuve et par-là même appartient au patrimoine culturel immatériel de cette région si riche en traditions. De son expérience du terrain, Amélie Esséssé a publié un film documentaire qui retrace les différentes étapes de la restauration de ce patrimoine. Elle a aussi édité en collaboration avec Véronique Chapre qui l’a épaulée dans son projet, quatre livres destinés à la jeunesse sur le Niger, troisième fleuve d’Afrique qui naît en Guinée, traverse le Mali, le Bénin, le Nigéria et bien sûr le Niger. Au sud du Burkina-Faso dans une même démarche de préservation du patrimoine africain, c’est l’architecture Kassena que l’auteur raconte dans un livre « Ma maison Kassena » édité dans la collection Jeunesse des Editions Monde global. Enfin, une exposition à travers l’habitat végétal du Burkina Faso, du Cameroun, du Sénégal et de la région d’Afrique Centrale présentée dans plusieurs pays a témoigné du travail pas assez connu de ces »Femmes bâtisseuses » d’Afrique acharnées à faire vivre et durer leur patrimoine architectural. Des panneaux didactiques sont disponibles via « Bâtir et Développer/Club Unesco » dont l’objectif est de sensibiliser sur les savoir-faire des « Femmes Bâtisseuses » d’Afrique.
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Amélie Esséssé, architecte DPLG créatrice au Burkina Faso d’un bureau d’études, d’expertises et de conseils (Atelier Conception Patrimoine) est une spécialiste du patrimoine architectural africain. Forte de son expérience acquise sur le terrain au Cameroun, Bénin ou Sénégal, entourée d’une petite équipe motivée elle met ses connaissances pluridisciplinaires d’architecte, de spécialiste en conservation et gestion du patrimoine au profit de la construction et la conception d’équipements adaptés aux conditions climatiques et aux techniques constructives locales intégrant notamment les aspects d’assainissement écologique. Avec un objectif : militer pour un habitat harmonieux, respectueux des êtres humains et de leur environnement. Experte internationale réputée auprès du Centre du patrimoine mondial de l’Unesco elle intervient aussi dans différentes instances nationales et internationales dans le domaine de la construction durable avec une approche patrimoniale. PDG de l’association Bâtir et Développer-club Unesco dont le siège est à Paris elle mène depuis une vingtaine d’années une mission « Femmes bâtisseuses d’Afrique et d’ailleurs » qui s’inscrit dans une optique de développement durable du patrimoine. Les femmes bâtisseuses de l’ethnie Kassena du Burkina Faso, qu’elle a épaulées dans la construction de leurs habitations, l’ont surnommée «Katirou, la femme qui construit avec la terre, celle qui fonde ».