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Les bistrots et cafés français admis à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel

Cette décision du ministère de la Culture est une première étape vers l’inscription ultime à l’Unesco pour laquelle œuvre le restaurateur Alain Fontaine et son association créée pour sensibiliser le public aux cafés et bistrots en plein renouveau.

Alain Fontaine, Maître Restaurateur / Le Mesturet

Une satisfaction pour ces restaurateurs créateurs en 2018 de « l’Association pour la renaissance de l’art de vivre dans les bistrots et cafés de France en tant que patrimoine culturel immatériel » destinée à « protéger une exception française connue du monde entier, un art de vivre qui s’observe dans nos cafés et bistrots faits de rites, d’un langage à part, de codes de conduite qui leur sont propres » expliquent-t-ils sur leur site dans une lettre adressée au Président de la République lors du lancement de la pétition de soutien à la campagne. Des bistrots et cafés en chute libre, leur nombre étant tombé de 200 000 en 1960 à 40 000 en 2025. Or , Alain Fontaine, président de l’association et propriétaire du restaurant le Mesturet à Paris, résume très bien la situation : « Quand un bistrot s’arrête dans un village, c’est l’âme de ce dernier qui disparaît, dans les quartiers des grandes villes, c’est un ancrage social pour partager, un endroit d’amour, d’amitié ». Ici en effet se côtoient autour d’un comptoir, d’une table pour échanger librement, ou simplement humer l’air du temps, employés, dirigeants, ouvriers, intellectuels, notables, agriculteurs, banquiers et retraités pour consommer le même café en débattant autour du même journal déposé sur le zinc. Des lieux d’échange populaires en prise directe et quotidienne sur la société qui les entourent, qui ont leurs habitués, leurs fidèles et leurs amoureux, qui ces dernières années ont battu la campagne en organisant des conférences, colloques, évènements, expositions itinérantes à l’image de deux photographes et écrivains, Perrick Bourgault et Pierre Josse, initiateurs d’expositions tournantes dans la capitale parisienne « en hommage à ces femmes et hommes qui gardent les cafés ouverts, comme l’écrivait Balzac». Comme celles organisées sur les grilles de l’Hôtel de ville de Paris, du parc des Buttes Chaumont intitulée  «Au bonheur des bistrots » ou les tirages sur papier exposés aux Caves populaires, dans le cadre du Festival Culture Bar-Bars. Une course des garçons de café perpétue la tradition vivante d’une profession ancienne qui a traversé les siècles.

Les cafés ont tous une histoire et des histoires à raconter

La Bonne Franquette, Butte Montmartre

Certains d’entre eux ont même joué un rôle essentiel dans la vie politique du pays. Dans sa passionnante «Histoire insolite des cafés parisiens », Gérard Letailleur retrace leur parcours mouvementé «qu’on les appelle tavernes, cabarets, estaminets, brasseries ou bistrots… tous ces lieux ont une histoire unique et des histoires à nous conter. Etudiants, artistes, écrivains, hommes politiques, journalistes et échotiers, tous ceux qui font et défont l’opinion et construisent les siècles, ont fait les beaux jours de lieux comme la Taverne de l’Ange sous Louis XIII, le Flore de la 4e et de la 5e République, la taverne Saint-Nicolas, les Deux-Magots, en passant par le café des Trois Croissants, le Voltaire ou le Procope (si cher aux comédiens). Tous ont joué un rôle que nous avons peine à soupçonner aujourd’hui dans l’histoire de leur pays », écrit-il. Véritable institution sociale, ils vont au cours des siècles proliférer, attirant des clientèles aussi diverses que variées selon le quartier où ils sont installés. Les plus connus sont sûrement ceux de Montmartre, petit village champêtre entouré de vignes au début qui donna naissance à une faune étonnante et bigarrée qui fit la réputation de ses gargotes, où se mélangèrent au cours des siècles écrivains, peintres, chanteurs, sculpteurs, poètes… Des estaminets aux noms insolites qui au 18e siècle s’appelèrent Cheval Rouge, La Grande Pinte, le cabaret Magny, le Caprice des Dames ou le Berger Galant. A la fin de la Révolution, on comptait vingt-cinq cabarets sur cinquante-huit immeubles, précise Gérard Letailleur, qui inspireront entre autre, Gérard de Nerval, puis Théo et Vincent Van Gogh, qui peindront ici en 1886 « la Guinguette », exposée aujourd’hui au Musée du Louvre à Paris. Suivront Suzanne Valadon et son fils Maurice Utrillo, Erik Satie, Cortot voisinant avec Aristide Bruant dont le cabaret le Militon rencontre un franc succès, explique Gérard Letailleur. Renoir s’y fixera également pour peindre le Bal au Moulin de la Galette entraînant avec lui de nombreux grands artistes en devenir. Au pied de la butte au bas de la rue des Martyrs, deux établissements, le cabaret de la Belle Poule et la brasserie des Martyrs « taverne et caverne de tous les grands hommes sans nom » selon les Frères Goncourt, accueilleront eux aussi de futures célébrités. En 1867, un modeste établissement de quartier, le café de la place Pigalle se transformera en cabaret artistique devenant le port d’attache de chansonniers, musiciens, poètes. Rebaptisé par son propriétaire, Le Rat Mort, il accueillera Edgar Degas, à l’image du Chat Noir, dernier des cafés littéraires montmartrois immortalisé par un grand chat noir sur fond beige dessiné par Théophile Steilen sur les affiches du café qui feront le tour du monde. »A cette époque si la capitale est Paris, le Chat Noir est le cerveau et le Moulin de la Galette en est l’âme résumera Salis, le propriétaire du premier. « A Montmartre, les artistes vivent les heures heureuses d’une existence insouciante, ne songeant qu’à créer et conquérir la renommée par leur seul talent » résume Gérard Letailleur, par ailleurs vice-président de l’association « la République de Montmartre », qui fait revivre cette atmosphère si particulière.

Le Paul Bert, Paris 11e

Les Grands Boulevards auront eux aussi leur heure de gloire avec le Grand Balcon sur le boulevard des Italiens, le Bar de la Paix devenu Café de la Paix près de l’Opéra, célèbre dans le monde entier, le Café Riche à la grande renommée. Vers les Halles, le café des Deux Maillets ou la Taverne du Panthéon au quartier Latin, le Procope à l’Odéon feront les beaux jours de ces lieux qui verront passer toute la faune littéraire. Au début du 20e siècle, Montmartre sera détrôné par Montparnasse et La Closerie des Lilas deviendra à son tour un lieu très couru… De nombreux artistes, sculpteurs et peintres adopteront ce café littéraire et politique à proximité de leurs ateliers installés dans le quartier. A chaque mouvement de l’histoire, cafés, bistrots de Paris ou de Province s’adapteront. Beaucoup disparaîtront à jamais, d’autres renaîtront autrement, ceux qui traverseront les séismes sont aujourd’hui inscrits à l’inventaire des monuments historiques.

 

www.bistrotsetcafesdefrance.org (Association pour la renaissance de l’art de vivre dans les bistrots et cafés de France en tant que patrimoine immatériel)
www.republique-de-montmartre.com
www.montmartre-en-revue.fr

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