En inaugurant, les 4 et 5 novembre 2017, la première partie du projet de l’Inguimbertine à l’hôtel-Dieu et en fêtant les 650 ans de la plus vieille synagogue de France, Carpentras table sur son patrimoine culturel et religieux prestigieux pour reconquérir à la fois son centre ancien et améliorer une image quelque peu malmenée ces derniers temps.
Carpentras – ancienne capitale du Comtat-Venaissin, minuscule état sous domination pontificale durant cinq siècles jusqu’en 1791 – conserve deux fleurons de cette période glorieuse. La bibliothèque-musée est une institution et un symbole dont la renommée dépasse les frontières du Vaucluse, non seulement par la singularité de son fondateur, Joseph-Dominique d’Inguimbert (dom Malachie en religion) évêque philanthrope et humaniste originaire du lieu, mais aussi par ses collections aussi importantes que précieuses. Ce même prélat bâtit simultanément un hôtel-Dieu, lui aussi intimement lié à l’histoire de la ville. Conçu comme un «palais de la charité pour nos seigneurs les malades », cet édifice est classé au titre des monuments historiques. Dom Malachie, bibliothécaire du pape Clément XII, est disgracié en 1735. Nommé à Carpentras, il emporte avec lui les 4 000 volumes, les tableaux, estampes, médailles de sa collection personnelle enrichie au cours des ans. Il dote ainsi sa ville natale d’une institution ressemblant à celles fréquentées à Rome. En 2002, la ville de Carpentras acquiert l’hôtel-Dieu pour regrouper les collections de l’Inguimbertine réparties entre six lieux pour la plupart vétustes et peu adaptés à l’accueil du public. À terme, l’ensemble des collections sera réuni dans les quelques 10 000 mètres carrés du bâtiment, espace complètement repensé pour offrir au public l’accès à une bibliothèque de lecture publique, aux fonds patrimoniaux, aux archives anciennes et aux quatre collections muséales : beaux-arts, arts décoratifs, archéologie, arts et traditions populaires.
Une bibliothèque-Musée du XXIème siècle
Le projet, dirigé par le conservateur de l’Inguimbertine Jean-François Delmas, a été conçu dans un souci de fidélité à la vocation originelle de la « bibliothèque-musée publique » voulue par Mgr d’Inguimbert, désireux de veiller sur ses diocésains autant sur le plan physique que spirituel. Pour l’heure, seule la première tranche – la bibliothèque multimédia – ouvre ses portes au public. Le deuxième volet des travaux (livraison prévue en septembre 2019), comprendra l’exposition permanente des réserves de livres rares et des collections d’œuvres d’art présentées par thème ainsi qu’une salle de consultation pour les chercheurs. S’appuyant sur un historique prestigieux, l’ensemble est pensé de façon contemporaine par l’agence d’architecture « Atelier Novembre » pour que grands et petits trouvent leur compte : flâner, emprunter des livres ou des DVD, travailler, lire, accéder à une offre numérique, participer à des animations, des rencontres avec des auteurs et s’approprier les grands ensembles architecturaux de l’hôtel-Dieu comme les galeries et jardins. La proximité des livres, des objets d’art et des peintures au sein d’un même établissement illustre ici la volonté de diffuser le savoir sous toutes ses formes. Accessible à tous, cette bibliothèque-musée du XXIème siècle réserve une place importante aux nouvelles technologies. Ce projet confère à l’Inguimbertine et à l’hôtel-Dieu réunis aujourd’hui sous un même toit une vocation touristique et culturelle ainsi qu’une dimension sociale dans la continuité de son fondateur. In fine, ce projet patrimonial invite à redécouvrir l’histoire de Carpentras et du Comtat Venaissin au travers de l’une des plus riches institutions de la région PACA.
La plus vielle synagogue de France fête ses 650 bougies
Construite en 1367 et toujours en activité sa restauration s’imposait aujourd’hui pour ne pas laisser son patrimoine se détériorer. 2017 est donc le début de travaux de rénovation importants. L’édifice classé en 1924 occupe plusieurs niveaux. La salle de culte offre un décor baroque du 18éme siècle, avec colonnes et décor en faux marbre, tandis que le rez-de-chaussée abrite les parties les plus anciennes : le Mikvé avec les bains rituels, les deux boulangeries, l’une réservée au pain quotidien, l’autre à la confection du pain azyme sans levain, enfin une salle dédiée à Jérusalem dans l’enceinte de prière au sous-sol. Au premier étage la salle de prière édifiée en 1741 conserve son aspect initial. L’édifice remanié au 18ème siècle est toujours un lieu de culte pour une centaine de familles qui y célèbrent fêtes et cérémonies.
Les juifs du Pape
Cette synagogue témoigne de la civilisation judéo-provençale passée et d’une histoire un peu particulière, celle des « Juifs du Pape » intimement liée à celle de l’église catholique dans la région. Les juifs arrivent en Provence dès le 1 er siècle. Au 13ème siècle toutes les villes et beaucoup de bourgs ruraux abritent des communautés. Sous Philippe Le Bel (1306) ils sont chassés du royaume de France. Avec les Papes qui quittent Rome pour Avignon où ils s’installent dès 1309, les choses vont un peu changer. Placé sous l’autorité du Saint-Siège le comté d’Avignon ne sera pas rattaché au comtat Venaissin. D’où l’existence de deux Etats-Pontificaux placés sous la houlette du souverain pontife : le comté d’Avignon et le Comtat Venaissin. Le pape Clément VI décide d’accueillir les juifs sur ses terres pontificales dont fait partie le Comtat Venaissin. La notion de « Juifs du Pape » est née. Commence alors pour eux sous la protection pontificale une période de relative liberté, une législation sévère réglementant néanmoins leurs droits. Au 15ème siècle est institué le ghetto et leur activité professionnelle limitée à la friperie, à l’usure, et à la vente d’objets de deuxième usage.
Le cimetière Israélite de Carpentras date du 14ème siècle
De ces périodes pontificales existent des témoignages comme La Porte Notre Dame de la cathédrale Saint Siffrein dite « Porte Juive » par laquelle entraient les juifs convertis, ou encore au pied de l’Aqueduc le plus ancien cimetière israélite de France toujours en activité depuis plus de sept siècles. Ses origines remontent au 14ème siècle lorsque l’évêque de la ville d’alors Hugues accorda aux juifs le droit de bâtir une synagogue et d’avoir une synagogue hors les murs de la ville en contrepartie d’une redevance annuelle de six livres d’épices, poivre et gingembre ou la valeur d’un don en argent. Seuls les juifs de Carpentras étant toutefois autorisés à y être enterrés. Après la révolution de 1789, le cimetière ne fut pas vendu comme domaine national. Mais délaissé, non clos et en mauvais état il dut attendre 1843 pour que la communauté ouvrant une souscription décide de construire un mur d’enceinte. Suite à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905, l’inventaire des biens de la Communauté israélite de Carpentras confirma sa propriété sur la synagogue ainsi que sur le cimetière. Il faudra attendre 1996 pour qu’il soit reconnu devant notaire propriété de l’association culturelle israélite de Carpentras. Aujourd’hui ce très beau cimetière abrite au milieu d’arbres centenaires de nombreuses sépultures du 19ème siècle conservées en l’état témoins de la symbolique de cet art funéraire spécifique. Un projet pour lequel toute aide est bienvenue, prévoit la consolidation du mur de 375 mètres le long de l’aqueduc. Les témoignages de la présence des juifs du Pape ne sont pas limités à la seule Carpentras. La route du Patrimoine culturel juif du midi de la France foisonne de témoignages émouvants de cette communauté qui a joué dans la société médiévale méridionale un rôle économique de premier plan dans le progrès des techniques, des sciences, de la circulation des marchandises et des idées. La Synagogue est gérée par deux associations ACIC (Association Culturelle Israélite de Carpentras et l’AVPCJC (Association pour la Valorisation du Patrimoine Culturel Juif Carpentrassien). Leur Président commun est le Dr Meyer Benzecrit organisateur des nombreuses manifestations culturelles et artistiques de l’année 2017 et à venir.
www.synagoguedecarpentras.fr – Françoise RICHEZ Guide conférencière
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