Présents dans beaucoup d’églises ou chapelles de Corse, les orgues sont intimement liés à l’histoire religieuse de l’île. Ils constituent un patrimoine à part entière, que l’Association Saladini fait découvrir en accompagnateur averti.
Faire mieux connaître ces chefs d’œuvre religieux, tel est le but que s’est fixé l’Association Saladini de Speloncato qui, depuis des années, participe au maintien, à la mise en valeur, à la sauvegarde et à la restauration de l’ensemble du patrimoine de cette petite commune de Haute-Corse. Elle organise dans ce but depuis 1999, via une association « la Montagne des orgues », des excursions à la découverte de la centaine d’orgues historiques disséminés en Haute-Corse, en Ghjunsanie, dans la vallée de l’Asco, Ghjuvellina et Cortenais ou encore en Haute-Balagne. « Ces orgues travaillent en harmonie avec les polyphonies des nombreuses confréries de village. Ils témoignent de la place primordiale tenue par la musique instrumentale dans une île où chaque communauté met son point d’honneur à créer sa mélodie propre pour la messe, différente du village voisin », explique Elizabeth Pardon-Hautefort, fondatrice de l’association.
Apparus au XVIe siècle, les orgues en provenance de l’Italie catholique voisine seront dès le départ de facture ligure, lombarde, toscane, ou romaine, les premiers instruments apparaissant dans les cathédrales à Bastia, Ajaccio, Calvi, mais aussi dans les couvents les plus illustres de l’île. Le développement rapide de ces derniers dans la foulée des ordres mendiants (franciscains et servites) va accélérer la pénétration de l’instrument formant au cours des ans un véritable vivier musical qui influencera la pratique innée des communautés locales pour les chants polyphoniques, aujourd’hui si présents dans les cortèges des confréries, au moment des fêtes religieuses par exemple. Mais, à cette période faste va succéder celle plus sombre de la Révolution française, où de nombreux couvents seront démembrés. Beaucoup disparaîtront à jamais. Certains orgues seront sauvés par les paroisses voisines, restaurés même, comme ceux de la Confrérie San Carlu de Monticello. Celui de Cervione sera transféré du couvent voisin dans l’église paroissiale. Malgré les tempêtes, l’orgue ne disparaîtra pas.
Mieux, il va s’imposer sans bruit et fera l’objet d’une émulation entre communautés villageoises. Un premier atelier local de facture d’orgues italo-corse sera construit en Balagne par la famille des Saladini, suivi de près par celui des frères De Ferrari à Bastia en 1830. Venus de Ligurie, ils donneront une trentaine de beaux instruments à la Corse. L’orgue subira les fluctuations mouvementées de l’histoire corse. Il tombera en léthargie jusqu’en 1963, où l’association Renaissance de l’Orgue corse le tirera de sa torpeur engageant des restaurations des chefs d’œuvre endommagés dans de nombreux villages. Une initiative qui fera tâche d’huile, vite reproduite par de nombreuses petites associations locales, qui contribuent, encore aujourd’hui, à valoriser les orgues corses et à les faire connaître bien au-delà des frontières de l’île. Nombreux sont les musiciens de renommée internationale, qui, chaque année, participent à des concerts dans les plus modestes villages détenteurs d’orgues historiques. Citons pour le dernier en date le concert d’orgue donné par Vincent Dubois, co-titulaire des grandes orgues de Notre-Dame de Paris, à la collégiale de la Nunziata de Corbara.
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L’Orgue corse de 1557 à 1963, Sébastien Rubellin, éditions Alain Piazolla, 2004.
Revue Arts Sacrés n° 37, juillet-août-septembre 2017.
www.lamontagnedesorgues.com