Situé aux portes du Vercors à dix minutes de Die dans la Drôme, l’ancien monastère du village de Sainte-Croix fondé au 12e siècle par des moines de Saint-Antoine, transformé en centre d’accueil international a réuni récemment journalistes de l’environnement et responsables de la Drôme et du Diois préoccupés par les conséquences du changement climatique sur leur territoire. Ce dernier engagé dans une dynamique de développement durable depuis les années 1980 doit affronter aujourd’hui recul du bio et climat déréglé.
Trois décennies après sa dépollution la rivière Drôme à nouveau menacée
Au début, dans les années 1980, il s’est agi de rendre la rivière dégradée par les activités humaines baignable et attractive. Une coopération unique entre élus, associations environnementales, pêcheurs et entreprises locales a abouti à la restauration de la qualité d’une grande partie des eaux de la Drôme, le site devenant même chantier expérimental du premier schéma d’aménagement et de gestion des eaux de France (Sage). «Une réussite collective remise en cause aujourd’hui par un réchauffement climatique actif à la fois sur la pluviométrie, l’enneigement et les températures qui menace son équilibre de façon inquiétante» explique Pascal Baudin, vice-président du SMRD. Cette situation préoccupante a amené l’Association Biovallée, le Syndicat mixte de la rivière Drôme (SMRD) et l’Inrae à engager une réflexion sur un projet de schéma territorial d’économie circulaire prévoyant la réutilisation des eaux usées pour économiser l’énergie et se sécuriser face aux sécheresses récurrentes.
Une étude prospective sur les risques potentiels du changement sur le bassin versant de la Drôme a été lancée d’où il en ressort qu’en 2050 le débit en eau pourrait chuter au moins d’un tiers. «Une gestion innovante de réutilisation des eaux s’impose donc pour que la rivière redevienne une ressource durable pour l’ensemble du bassin versant et ses activités tout en améliorant la quantité des masses d’eau, conditions nécessaires pour garantir l’attractivité du territoire. En stockant par exemple les eaux usées d’hiver pour les utiliser l’été et éviter les rejets dans la rivière», explique Marc-Antoine Forconi agriculteur permacole au GAEC de Montlahuc. Avec des retombées bien visibles. «Grâce à l’hydrologie régénérative, l’eau est utilisée désormais quatre fois et profite non seulement aux habitants mais aussi aux cultures et à nos animaux». Un problème complexe à gérer que le site expérimental permaculturel des «Alvéoles» situé à Cobonne, près de Crest, a intégré dans ses recherches destinées à transformer le paysage.
L’hydrologie régénérative des Alvéoles pour préserver la ressource en eau
Ici sur les contreforts du Vercors et de la Vallée de la Drôme, Antoine Talin, ingénieur en architecture et formateur en permaculture, et François Golding, jardinier paysagiste, testent sur une pépinière avec leur équipe des pratiques sous différentes formes dont l’hydrologie régénérative destinée à préserver et économiser la ressource en eau en rendant au paysage ses aptitudes à la stocker. «Nous souhaitons faire évoluer le système en place en replantant autrement des espèces de pays continentaux résistantes aux étés chauds et aux hivers rudes et froids capables d’affronter un climat provençal en passe devenir de plus en plus chaud», précise François Golding.
Démarré en 2010 autour d’une pépinière spécialisée dans les projets permacoles et agroforestiers, le site abrite aujourd’hui un bureau d’études et de conseil, un organisme de formation, propriétaires et récoltants, une plate-forme de ressources en ligne destinés aux agronomes, paysagistes et pépiniéristes intéressés par l’expérience. L’hydrologie régénérative est utilisée dans de nombreux secteurs porteurs de la Drôme comme chez les petits producteurs de plantes à parfum, cueilleurs de plantes médicinales pour la phytothérapie et l’aromathérapie en santé animale et humaine.
Jaillance et ses vignerons engagés
Autre activité touchée par le changement climatique la viticulture doit elle aussi se battre autrement pour s’adapter aux bouleversements environnementaux à venir. 210 viticulteurs, propriétaires, récoltants travaillant pour la cave Jaillance (labellisés Vignerons engagés, 1er label RSE et durable du vin) ont choisi depuis 1989 de préserver la personnalité de leur vins en se lançant dans l’agriculture «bio» qui couvre aujourd’hui 375 hectares de vignes dans la Drôme. Sur une production totale de 1191 hectares, 810 ha étant par ailleurs consacrés au conventionnel et 6 hectares a la biodynamie. L’appellation AOC Châtillon-en-Diois qui s’étend sur les coteaux sud du Parc naturel régional du Vercors entre les Préalpes drômoises et la Provence abrite 65 hectares de petites parcelles vendangées à la main à 700 mètres d’altitude.
Vercors Vie sauvage, une réserve de l’ASPAS à l’exceptionnelle biodiversité
Non loin du village de Léoncel se trouve dans le Massif du Grand Barry «la Réserve Vercors Vie sauvage», achetée en 2019 par l’ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages), soit 490 hectares de forêt spontanée en milieu montagnard, éloignés de l’agriculture intensive et de l’urbanisation à la biodiversité foisonnante. Pierre Julien Berthon, garde-conservateur du site de la réserve, fort de son expérience acquise dans la conservation de la forêt amazonienne au Pérou, effectue sur le terrain d’une part, le suivi faunistique des populations animalières (cerf élaphe, chevreuil, chamois, chouette, pic vert, reptiles, amphibiens), d’autre part, celui de la végétation (chênes pubescents, pins sylvestres) bouleversée ces dernières années par la sécheresse, qui accélère le remplacement progressif des essences, tels des hêtres en déclin, par des chênes. Il veille également avec des bénévoles au respect des règles de protection de la charte ASPAS de ce massif boisé à l’exceptionnelle biodiversité, dont la forêt supra-méditerranéenne spontanée illustre la résilience face au changement climatique en cours. Un travail de terrain essentiel tant : «la pérennisation d’un milieu naturel sans dégradation est la solution la plus pertinente pour conserver la faune et la flore» précise Richard Holding chargé de communication à l’ASPAS.
www.le-monastere.org
www.lesfleursdemay.fr
www.biovallee.fr
www.aspas-nature.org
www.alveoles.fr
www.jaillance.com
www.jne-asso.org